Le père Raymond Parent. président du Service des Programmes de Kuangchi.
Un jeune garçon contemplait son pied déchiqueté par une mine dissimulée après avoir été transporté à l'ombre de la tente d'un poste de secours provisoire. Son visage tout gris de poussière était ravagé par une douleur sans nom.
« Il était sorti hors des barbelés pour ramasser des feuilles afin que l'on puisse manger », tentait d'expliquer d'une seule traite sa mère toute affolée. Elle disait par interprète au père Jerry Martinson que son fils risquait sa vie presque tous les jours en se faufilant dans un pas sage de leur camp gardé pour aller ramasser du bois de chauffage ou des feuilles en vue d'augmenter leurs maigres rations. C'est une bien curieuse manière que de s'exposer aux balles d'un tireur embusqué ou à une mine étant donné le si grand danger.
Cela se passe en 1985 sur la frontière khméro-thaïlandaise. Et la scène est celle d'un documentaire tiré de Au-delà de la déchirure (Beyond the killing fields) * qui est en grande partie l'œuvre du Service des programmes Kuangchi (lire Kouang-tchyi), un établissement de communications à but non lucratif dont le siège est à Taïwan. Cet organisme, fondé en 1958, a vite pris de la renommée dans toute l'île pour l'intense activité de son service médiatique qui compose des programmes télévisés et radiophoniques, des films d'action et d'animation réelles, des vidéocassettes et des programmes en multi-écrans. Les 145 membres taïwanais de cet organisme travaillent toutes les étapes d'une production, en passant de la conception de base, le scénario, le tournage, le doublage et l'assemblage. Tous les bénéfices sont réinvestis dans l'équipement, la formation et des productions ultérieures.
Une séquence de Destinée héroïque.
Le Service des programmes Kuangchi (SPK) à Taïwan se distingue des autres sociétés de médias par deux points. D'abord, son intérêt pour la télévision sous toutes ses formes qui ressemble à tous ceux des autres médias de Taïwan. Kuangchi a importé quelques-uns des premiers équipements de télévision dans l'île et a vite mis l'accent sur ses pouvoirs éducatifs, notamment à travers les programmes de théâtre destinés au grand public. Cette orientation s'est poursuivie dans les années 60. Ainsi, le Théâtre du mandarin, l'une des premières productions de Kuangchi, a porté le théâtre classique chinois sur le petit écran, un grand succès qui a introduit dans le monde de la haute technologie une forme d'art traditionnel très appréciée.
Ensuite, le Service des programmes Kuangchi - comme son prédécesseur, les Studios d'enregistremenr Kuangchi est administré par de Jésus de l'Eglise catholique romaine. Le fondateur, le père Philippe Bouret, jé suite américain, a choisi le nom de Kuangchi (en romanisation française, Kouang-k'i) pour la signification des caractères, kouang [ 光 ], lumière, et k'i [ 啓 ], inspiration. C'est à la fois une affirmation de la mission traditionnelle de de Jésus au cours de sa longue attache avec et en même temps le souvenir d'une figure proéminente de
Après avoir débarqué dans l'empire du Milieu en 1583, Matteo Ricci, jésuite italien, établit de nombreux contacts avec les personnalités qui ont influencé les rapports entre et l'Europe. Le premier ministre de la dynastie régnante Ming, Siu Kouang-k'i [ 徐光啓 ] comprit vite le potentiel des découvertes européennes dans des domaines tels que la géographie, l'astronomie ou les mathématiques que pouvait en tirer son pays. Il se convertit au catholicisme, et Paul Siu (ou Siu Kouang-k'i) est au jourd'hui honoré de l'appellation de cet établissement.
Mise en scène de Popcorn, un feuilleton favori des tous petits.
« Nous sommes concemés par l'attitude que prend toute personne lors de l'élévation de ses sentiments spirituels », dit le père Raymond Parent, qui vient d'accéder à la présidence du Service des programmes Kuangchi. Il ajouta que de Jésus a traditionnellement fait grand cas de ce thème plutôt que du but spécifique de la conversion à la foi catholique. Il s'en suit que la programmation chez Kuangchi a recherché une base commune entre les valeurs chrétiennes et l'éthique chinoise pour tenter de faciliter la rencontre des traditions devant les défis du monde contemporain.
Kuangchi a rempli son mandat en fournissant un service social au public à travers des programmations à destination «grand public» ou «petit groupe» et en formant des jeunes taïwanais de talent à l'art médiatique. Il propose un haut niveau professionnel et éthique dans toutes ses programmations. Le défi se lie à l'avance aux buts philosophiques de l'organisation tout en attirant encore les foules qui désirent se divertir. Les programmations pour «petit groupe», comme le suggère le nom, sont destinés aux établissements scolaires et aux petits groupes d'un domaine particulier. Conçus pour alimenter le débat aussitôt après le spectacle visuel, les présentations de diapositives ou d'histoires brèves sur vidéocassette sont caractéristiquement sans limite de temps, laissant au spectateur le choix de réponses appropriées.
Espoir à la fenêtre, une récente production vidéo de cette catégorie, retrace l'histoire d'une amitié particulière qui naît entre deux jeunes voisins dont les chambres l'une face à l'autre donnent sur une étroite ruelle. De leur fenêtre, ils s'échangent des cadeaux et des mes sages jusqu'il ce que le garçon avoue son amour à la jeune fille. A ce moment-là, elle lire doucement les rideaux. Lui, il découvre que son nouvel amour se confine sur une chaise roulante et fait alors face à une prise de conscience. Espoir à la fenêtre qui est destiné à la distribution internationale s'use d'aucun dialogue pour décrire le lien d'amitié et d'amour qui se développe entre les deux jeunes gens. L'aide éducative et le débat, tels qu'ils sont en usage dans les écoles à Taïwan ou dans les groupes paroissiaux d'autres pays d'Asie.
Ces dernières années, les productions «grand public» de Kuangchi comprennent une présentation brillante de diapositives sur l'énergie nucléaire à Taïwan et une autre à grande valeur commerciale, Accueil, pour une vitrine de produits électroniques locaux dans le gigantesque Centre international de Commerce de Taïpei. Kuangchi travaille fréquemment en coopération avec les trois chaînes de télévision taïwanaises pour de nouvelles programmations et lance également des initiatives conformes à l'étendue d'un réseau.
Le père Jerry Martinson s'entretenant avec les réfugiés cambodgiens dans Au delà de la déchirure.
Ces initiatives engendrent des idées dont certaines se transforment en grandes productions, parfois très appréciées du public, comme Destinée héroïque, le récit des aventures de quatre héros dans agitée du début de ce siècle. Les productions de cette qualité peuvent innuencer le prochain programme d'une chaîne en créant une ambiance acceptée, et même espérée, d'un très grand public. L'effet des dominos est lancé, ainsi que le but recherché de Kuangchi qui est d'élever la conscience éthique.
Les chaînes viennent souvent chez Kuangchi avec l'idée générale d'un programme, comme un feuilleton éducatif pour enfants, et lui demandent plus en vue de l'améliorer. « Cela arrive quand le sourire vient vraiment aux lèvres, dit le père Parent dont le goût pour la civilisation chinoise et les médias audio-visuels lui provient de ses études universitaires en art et philosophie au Canada. Pour de tels projets, nous désirons consulter des pédagogues, des psychologues et des éducateurs. » Le résultat de ces activités sont même plus qu'une formation sur place pour les jeunes effectifs de Kuangchi dont la moyenne d'âge n'est que de 31 ans.
Les jeunes gens désirent toujours essayer de nouvelles choses et fournissent une richesse d'idées, observe le père Parent. Et en plus de cela, la formation fournie à ces jeunes gens, comme Chen Ming-fang (pron. Tchenn Ming-fang), un artiste de 19 ans d'une capacité naturelle exceptionnelle dans l'illustration, est inestimable pour le personnel de l'industrie de la conception et production montante des médias de Taïwan. Kuangchi encourage ces activités en fournissant des installations de formation aux étudiants en art de la communication qui proviennent de diverses écoles et universités locales et en leur dispensant des séminaires pendant les vacances d'hiver et d'été. Dernièrement, des étudiants étrangers ont aussi été invité à participer à ces cours de programmation et production de six semaines.
Contrôle et sélection des programmes visuels par les spécialistes de Kuangchi.
Ce que le personnel a fait est exceptionnellement bien. Son documentaire Au-delà de la déchirure lui a apporté une satisfaction particulière. L'omniprésent père Martinson, alias Ding Chen-fou à Taïwan, a transporté les spectateurs de l'angoisse pour des gens vivant au bord de l'intolérable à la foi vivante qui résonne dans les chants des Catholiques indochinois et des bonzes bouddhistes tout d'ocre vêtus. Souffrant l'ennui d'une attente sans fin et d'une totale soumission, les réfugiés participent involontairement à un drame qui n'a pas changé de décors depuis presque dix ans - un drame menacé d'être relégué dans l'obscurité en vertu de son endurance.
« Il y a une limite au nombre de notes que peut recevoir avec plaisir une oreille humaine », s'écria un monarque autrichien après le spectacle d'un opéra de Mozart. De même, les producteurs de Kuangchi marchent sur une voie étroite entre l'afflux ou le désintéressement du public pour ce problème des réfugiés. Il leur faut éviter de fatiguer par la pitié.
« Nous ne voulons pas que ces problèmes disparaissent peu à peu de la conscience générale, car l'intérêt du public est le seul moyen de presser les chefs politiques à trouver une solution. Le problème des réfugiés cambodgiens a reçu une attention particulière de la part des médias depuis le milieu des années 70 et n'a toujours pas de solution sous la main », dit un producteur de Kuangchi.
Le documentaire fut sonorisé en cinq versions différentes pour une distribution internationale. L'an dernier, film le plus largement distribué, il a reçu deux prix du Cheval d'Or (l'équivalent à Taïwan de d'or du Festival de Cannes) pour le Meilleur Documentaire et pour de documentaire. Mais les effectifs de Kuangchi ont trouvé plus grande satisfaction dans les fruits de la présentation de ce programme à cinq épisodes sur le réseau de la chaîne de Télévision de Chine (Houa-che). Les téléspectateurs ont contribué pour plus de 500 000 dollars américains à l'aide aux réfugiés. Ces fonds ont été depuis employés pour nourrir, loger et, dans certains cas, réinstaller des réfugiés à Taïwan. Le personnel de Kuangchi s'accorde tout à fait que Paul Siu (Siu Kouang-k'i) serait fier de la conscience éthique de ses compatriotes.
* Le titre du film dont ce documentaire s'inspire est La déchirure (en anglais The killillg fields) avec Haing Ngor dans le rôle de Dith Pran qui s'échappa de l'enfer rouge où deux à trois millions de Cambodgiens ont péri sous la violence du régime des Khmers rouges.